Premier Jour [NORMALE]

Publié le par Nicoco

       La fumée de sa cigarette s’envolait en voluptueuses vapeurs virevoltantes. Elle montait haut dans le ciel noir piqueté de milliards de petits points argentés, certains bien trop loin pour que leur lumière atteigne cette planète peuplées de chétifs humains. Nathan les observaient sans les voir, le regard perdu dans ses pensées. Il passa une main distraite dans ses cheveux en batailles avant de souffler une nouvelle bouffée de fumée. Il jeta un regard à sa montre, avec l’espoir que la progression des aiguilles aurait ralenti à force d’user ses yeux dessus : sans succès. Le temps défilaient, imperturbable, le rapprochant comme toujours chaque seconde à peu plus du lendemain.

        Rentrée des classes. Expression peu appropriée ; elle détruisait la notion individuelle, comme si chacun en perdait sa personnalité pour se fondre dans la masse. Personne ne se glissait dans sa nouvelle classe comme une langue dans la bouche d’un autre. Cela ressemblait plus au bâtonnet qu’enfonçait brutalement le médecin en vous faisant crier un « Aaaaaaah » d’attardé mental, celui qui vous donnerait des renvois détaillant chaque repas du jour d’avant.  Il allait falloir encore une fois apprendre les prénoms de chacun, savoir qui serait le bad boy je-m’en-foutiste, qui le « cassos » taiseux rejeté comme un pestiféré, qui la perle rare permettant une bonne communication et une entente amenée à durer.  Percer sa bulle de confort pour s’ouvrir aux autres et à leurs jugements.

       Nathan tenta d’écarter ces pensées d’une dernière bouffée de clope, la jeta négligemment par-dessus le balcon et rentra se coucher dans son grand lit double paré de draps blanc et noirs aux motifs asiatiques incompréhensibles ; il y aurait tout aussi bien pu être écrit « Dors bien » que « Le tonitruant poney pisse à grands jets ». Il se faufila sous sa couette, se démenant tant bien que mal pour trouver une position confortable, avant de fermer les yeux avec forces. La phrase la plus stupide du monde et la plus naturelle lui vint à l’esprit : « Il faut que je dorme ». Il sut à ce moment que cela lui serait bien impossible. Trois heures plus tard, après que son esprit ait ricoché sur la multitude de lacs sans fonds de ses pensées désordonnées, il finit par trouver un sommeil aussi court qu’agité.

       Encore une heure avant la sonnerie du réveil. Il maudit cent fois son cerveau défaillant, puis se décida à se lever. Première douche chaude pour se réveiller en douceur, puis une deuxième pour faire passe le temps. Vérification de l’odeur, parfum, des poils, rasoirs, des muscles, miroir. Puis teste d’une tenue, d’une seconde, retour à la première. Tentative de coiffure potable, abandon. Le ventre refusant d’ingérer quoi que ce soit, plus qu’à y aller. Ne pas oublier le sac avec l’ordi, de quoi écrire. C’est bon, opérationnel. Pour être plus exact, plus rien à faire pour améliorer son cas : il ne serait jamais vraiment prêt mentalement de toutes façons.

      Le trajet lui parut durer des heures, chaque pas de robot fait en luttant contre sa furieuse envie de retourner se cacher sous sa couette. Mais il atteignit l’université de biologie, à l’heure, trouva la salle indiquée sur son emploi du temps plutôt facilement, et s’installa à un grand bureau de bois. Les élèves étant déjà pour la plupart déjà assis dans la salle, le cours allait pouvoir commencer.

      Nathan se leva de son bureau et s’adressa à la classe de jeunes étudiants :

      « Bonjours à tous. J’espère que vous avez passé de bonnes vacances, et que vous n’êtes pas trop stressés par cette rentrée. Je suis Nathan Carbiolat, votre enseignant référant, et ce cours sera dédié à vous familiariser avec le système de la fac. Ne vous inquiétez pas, je suis là pour vous aider. Sortez un stylo, on est partit. »

 

Publié dans NORMALE

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article